Avant de se lancer dans l'aventure de la trans
Afrique en ULM, |
POUR ALLER A MADAGASCAR |
8 h 30. Je décolle d'Antsirabe après une soigneuse inspection de mon appareil. Le service météo aviation de Tana m'a prévu du beau temps avec quelques nuages au départ : en effet, le Soleil se fait très discret pour le moment ! Ma route me fait survoler des collines pour contourner par l'Ouest le massif de l'Ankaratra, troisième massif montagneux malgache. Les nuages sont bas, je repère les passages et slalome dans la centaine de mètres de hauteur séparant le sommet des collines et la base des nuages. L'altitude baisse peu à peu, le plafond des nuages monte en même temps que les trouées se font plus nombreuses. Bientôt apparaît le lac Itasy, ses eaux d'un bleu sombre entourées de dômes volcaniques pelés. Le moteur ronronne régulièrement et l'indicateur de vitesse affiche 140 km/heure. Au fur et à mesure de ma progression vers le Nord Ouest, le Soleil devient éclatant et gomme peu à peu les derniers nuages. Je me détends, grignote quelques biscuits et une tablette de chocolat, bois quelques gorgées d'eau. Dessous, vallées et rivières succèdent à de petits massifs montagneux. Parfois, je distingue une fumée ou une petite case qui semble perdue dans ces immensités désertes. Bientôt, je survole un immense plateau herbeux d'altitude, vierge de toute trace humaine. J'ai une envie de me poser là, où personne d'autre n'a peut-être jamais mis le pied. Je me sens empli d'une immense sensation de liberté. Je suis ému de contempler notre Terre sous mes pieds. Mon bonheur est intense. Bientôt les montagnes s'estompent et commence la grande plaine côtière. Je descends progressivement de 1600 à 600 mètres d'altitude suivant les méandres de la grande et paresseuse Betsiboka dont les eaux rouges charrient la terre arrachée aux hauts plateaux. La chaleur côtière a envahi la cabine et j'ôte mon pull-over. Bientôt apparaît la mer et le port de Majunga. La tour de l'aéroport me prend sous son contrôle radio et j'atterris après 3 h 30 de vol. Capitale de province, Majunga est une ville importante située à l'estuaire de la Betsiboka. Comme toute la côte Ouest de Madagascar, la ville jouit d'un climat très ensoleillé, chaud et sec, toute l'année. Il fait bon flâner le soir dans les rues ou sur la promenade du front de mer toute plantée de palmiers. La nuit tombée, de nombreux vendeurs de brochettes y installent leur barbecue sur le large trottoir. Le soir, Héri, un ami malgache qui travaille à Somapèche, grosse société crevettière, m'a préparé un festin d'énormes crevettes. Début |
2ème épisode: la côte nord de Majunga. Décollage de Majunga en fin de matinée. Je longe la côte à très basse altitude, découvrant de petits hameaux de pêcheurs nichés dans de petites criques, des embouchures de rivières souvent envahies de verdoyantes mangroves. Beaucoup de villageois se précipitent pour me voir et me saluent de la main. Tous ces lieux ne sont accessibles que par la mer : aucune piste n'est visible sur terre. L'ULM est vraiment un fabuleux moyen de les découvrir. Je pique peu à peu dans les terres, survole de savanes à palmiers, des forêts primaires encore vierges en lisière desquelles des clairières cultivées et des huttes signent une présence humaine. Je traverse plusieurs grands estuaires de rivières et gagne Analalava, une petite ville endormie s'étalant sur le flanc d'une colline surplombant la mer. |
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La piste est complètement défoncée et en très forte pente surtout dans la partie supérieure où il reste encore un peu de bitume qui a vieilli et se transforme peu à peu en gravillons poussiéreux. C'est là que je choisis d'atterrir en pente montante avec un vent quasiment nul. Il faut descendre à pied à la ville car il n'y a que quelques voitures ici et bien peu de chance d'en rencontrer une. L'hôtel est très propre et très agréable. J'y mange crevettes et poissons puis part flâner jusqu'à la jetée du petit port situé à l'estuaire d'une rivière. Une vedette de bois charge des caisses de bouteilles de bière vides. Elle remontera la rivière jusqu'à Antsohihy, un trajet plus rapide vu l'état de la piste, paraît-il. Au large, le soleil se couche entre deux îles. L'une sert de bagne, l'autre est déserte mais dispose d'une piste d'atterrissage sommaire. J'irai peut-être y jouer à Robinson quand j'aurai mis des matelas gonflables dans les ailes pour rendre mon Sky Ranger insubmersible. On ne sait jamais ! Le lendemain, je décolle en pente montante avec un vent de face d'environ 20 km/h. L'ULM est en l'air en à peine 100 mètres. Je remonte la rivière qui s'étale, derrière les montagnes qui bordent la côte, dans une immense plaine lacustre envahie de mangroves. Leur vert intense contraste avec l'eau rouge chargée des limons arrachés aux montagnes déboisées de l'intérieur. C'est magique. La rivière se resserre et la villle d'Antsohihy apparaît, beaucoup plus importante que je ne le pensais et disposant d'une belle piste en dur. Air Madagascar dessert cette bourgade de 50.000 habitants très isolée par une route peu praticable. Court arrêt, le temps de dire bonjour et je redécolle pour rejoindre la côte. Les plages de sable blanc se succèdent. C'est la marée basse, peut-être l'occasion de réaliser ce rêve d'atterrir sur une plage. Je fais quelques approches puis me pose sous les yeux étonnés des pêcheurs du hameau proche. A peine le moteur est-il arrêté qu'ils accourent autour de l'ULM. La faim se faisant sentir en ce début d'après-midi, je leur demande s'il n'est pas possible d'avoir du poisson grillé. Une femme va s'en occuper. Plusieurs enfants fiévreux sont amenés et je sors de ma petite trousse de pharmacie de l'aspirine et des antibiotiques. J'enfile mon maillot de bain et vais piquer une tête dans l'océan. Que c'est bon. L'eau est transparente et tiède à souhait. Je me prélasse jusqu'au moment où je vois arriver mon repas. Les deux poissons piqués dans des morceaux de petites branches de bois vert sont dorés à la perfection. Une purée de bananes à la noix de coco les accompagne et une bouteille d'achards de citrons sert d'assaisonnement (lamelles de zestes de citron marinés dans du jus de citron). Un délice que je déguste assis dans le sable à l'ombre des ailes de l'ULM. La mer monte et je repars après une courte sieste. Puis c'est le retour sur Majunga au terme d'un survol de la côte lumineuse sous les tons pastels du soleil de la fin d'après-midi. Début |
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3ème épisode: la côte sud de Majunga. Le surlendemain, je repars pour la côte sud cette fois-ci. Courte halte sur la belle piste en herbe de la sucrerie de Namakia entourée de champs de cannes à sucre bordant les immenses mangroves du delta d'une rivière, puis je poursuis vers Soalala. Cette petite ville se niche au fond d'une grande baie, sur un terre-plein sablonneux au pied d'une colline, à l'estuaire d'un petit court d'eau. Je repère un chantier d'aménagement de bassins d'aquaculture ainsi que des constructions de béton inachevées près desquelles il me semble reconnaître un Vahaza (mot malgache désignant un occidental). La piste en herbe est bonne. La piste est à trois kilomètres de la ville et il n'y a pas âme qui vive autour du terrain. Va-t-il falloir effectuer cette longue marche sous le soleil ? Je n'ai pas le temps de ranger l'avion et mes affaires qu'un 4X4 arrive. C'est le Vahaza que j'avais repéré. |
Il n'y a pas d'hôtel ici, et Olivier m'invite au camp de sa société : Aquamas, une société française qui crée ici des bassins d'aquaculture de crevettes. Un jeune Français le seconde et habite ici en permanence. Nous déjeunons et je pars avec Olivier survoler, à 35 kms au sud de la ville, les Tsingy (massif montagneux ayant subi une érosion verticale très particulière). Lui qui connaît si bien les brousses de Madagascar pour les avoir parcourues à moto rêvait de survoler ce massif. C'est une forêt de dentelles de pierre aux pics acérés entrecoupés de canyons aussi profonds qu'étroits. C'est féerique, hallucinant. Comment la nature a-t-elle pu créer un tel décor. Mieux vaut ne pas tomber en panne ici, c'est totalement impénétrable. Les Tsingy abritent une faune endémique qui n'existe nulle part ailleurs qu'à Madagascar et dont de nombreuses espèces sont encore inconnues. Nous survolons un gigantesque incendie de brousse comme il y en a tant à Madagascar. Une tradition qui aboutit à la désertification accélérée de l'Ile. Profitant de sa connaissance du pays, j'effectue deux atterrissages sur des sira sira, ce qui signifie sel sel et désigne les lagunes marais salants, sèches en dehors des grandes marées. Le premier se passe bien mais pour le deuxième, la lagune n'est pas encore sèche et je manque de rester collé dans la boue. Par chance, le sol durcit un peu et je finis par décoller. Ouf, nous l'avons échappé belle ! Nous passons la soirée à parler brousse, voyages et crevettes. Le lendemain, je parcours les ruelles de sable de la petit ville. Plusieurs petites mosquées trahissent ses 90 % d'habitants musulmans car Soalala fut très longtemps un port important de la traite des esclaves vers l'île de Zanzibar et les côtes d'Arabie. Retour sur Majunga d'où je dois repartir le lendemain pour Tananarive et d'autres aventures. Début |
4ème épisode: les hauts-plateaux et les montagnes de l'intérieur. Je repars le lendemain sur Tananarive. Je quitte le delta rouge de la Betsimboka et survole Maevetanana, une des villes les plus chaudes de Madagascar où l'effet adoucissant de la mer ne s'y fait plus sentir. Autant le vol est stable en bas dans les plaines, autant je découvre en montant sur les hauts plateaux en cette fin de matinée, les premiers puissants courrants ascendants (8 mètres par seconde) et secousses sérieuses. Ma petite expérience de deltaplane et de parapente me permet d'être rassuré et de les utiliser au mieux et avec grand plaisir pour monter à 2000 mètres, juste au dessus du relief. J'ai pris du retard par rapport à mon plan de vol à cause aussi d'un vent contraire et j'entends la tour de contrôle de Tananarive m'appeler sans pouvoir lui répondre vu la portée trop réduite de ma radio portable. Un avion d'Air Madagascar qui me capte, fait le relais en vol. |
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Le lendemain, je pars pour le sud d'Ambalavao où Gilles, un ami photographe
et tour opérateur aventure m'attend. En chemin, je pose à
Ambositra, une
petite piste de brousse réhabilitée récemment. Dès mon atterrissage, des
villageois courent de tous les côtés pour venir voir. Quand je redécolle
au bout de dix minutes, ils sont des centaines ! Bientôt des nuages montent
de la côte Est. Ils sont de plus en plus denses au fur et à mesure que
j'avance. Je circule dans l'espace libre entre le sommet des collines
et les nuages. A quinze kilomètres de la piste de Fianarantsoa, ils s'accrochent
au relief et un crachin se met à tomber. Je fais demi tour et regagne
Antsirabe où je retrouve, le temps d'une demi journée, ma petite famille.
Le lendemain, je suis à 7 heures au terrain car la météo m'a confirmé
qu'en passant par l'Ouest, c'était dégagé. Le temps est très couvert mais
à 8 h 50, une trouée de ciel bleu s'ouvre à l'Ouest entre le relief et
les nuages. Je saisis l'occasion et décolle. De l'autre côté, les nuages
s'évanouissent, je survole le massif de l'Itremo, ses alpages et ses pics
rocailleux dépassant 2000 mètres. Pas un village pendant une heure de
vol. Le soleil du matin illumine les verts, jaunes, oranges des bosquets,
prairies et roches. Après plus de deux heures de vol, je repars à l'Est
vers le massif de l'Andringitra. Le camp aventure de Gilles est facile
à trouver : il se trouve au pied du Tsaranoro, une falaise de roche de
800 mètres de hauteur. Je tourne autour de la plate forme herbeuse que
j'avais reconnue quelques mois auparavant sans y distinguer la ligne d'herbes
coupées matérialisant une piste que Gilles devait m'avoir préparée. Je
fais mon approche, avec un vent de travers que les fumées du village proche
m'indiquent assez faible, et atterrit en pente montante. Les roues tapent
les mottes d'herbe et l'hélice fauche les hautes herbes ; c'est impressionnant
! Gilles court me rejoindre. Il n'avait pas préparé la piste car le chef
du village n'était pas d'accord pour que j'atterrisse car il ne voulait
pas que je survole les tombeaux des ancêtres. Ouf, je ne les ai pas survolés
et les villageois me réservent un bon accueil. Je passe l'après-midi à
faire la sieste puis à préparer mes futurs vols et à mettre en ordre mes
notes de voyage. Le site est beau, reposant. Au Sud, une forêt où gambadent
des lémuriens en liberté, à l'Ouest, le Tsaranoro et à l'Est, une vue
imprenable sur les petits villages se nichant au pied de la chaine de l'Andringitra, nouveau parc national. 6 heures du matin : nous nous réveillons
avec un ciel bleu idéal pour faire des photos de l'ULM devant la falaise
du Tsaranoro que le soleil du matin commence à illuminer. Je décolle tandis
que Gilles reste au sol appareil photo au poing. Il y a déjà de bons courants
ascendants dont je me sers pour grimper le long de la falaise. L'atterrissage
est un peu brutal, je rebondis puis me mets à zigzaguer tapant probablement
contre des petites termitières que nous n'avions pas cassé. L'appareil
est presque incontrôlable, les freins inopérants. Je me crispe sur la
pédale de droite pour éviter la faille bordant le terrain. L'appareil
s'immobilise enfin. Constatation : le tube de la roue avant est tordu
de plus de 20° ! Zut, zut et zut. Nous le démontons et le chauffons dans
un feu de bois au niveau de la pliure pour le détordre à la masse. Je
suis anxieux. Pourvu que cela aille. Cela me servira de leçon, je n'atterrirai
plus jamais sur un tel terrain non préparé. Nous finissons en le trempant
dans le torrent. Remontage et essais : les pédales sont dures car le tube
martelé n'est plus bien rond, mais il tourne quand même. Ouf, nous pouvons repartir. Début |
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5ème épisode: Le Moyen Ouest et la côte de Morondava. Nous chargeons tout et je redécolle avec Gilles, direction Morondava en passant par le massif du Makay. Nous ne savions pas ce que nous allions trouver et nous en avons le souffle coupé : des centaines de pics rocheux aux parois verticales, séparés par des canyons profonds de plusieurs centaines de mètres aux fonds à la fois sombres et verdoyants. Un dédale grandiose, impénétrable et inexploré, situé dans une région totalement déserte. Nous descendons ensuite dans l'immense plaine côtière du Ménabe et faisons du rase mottes en suivant une petite rivière qui va vers la côte. Nous survolons d'immenses forêts de baobabs, des hameaux bordant la rivière et atterrissons à Morondava après 3 h 36 de vol. Nous posons nos sacs dans un petit hôtel près de la mer et partons flâner, dégustant dans la rue des brochettes de zébu accompagnés de racines de manioc bouillies et de piments. |
Le lendemain, nous gagnons après un long survol de la côte, magnifique mosaïque de couleurs et de végétation, les Grands Tsingy. Pareils à ceux de Soalala mais qui s'étalent sur plus de 100 kilomètres. Une forêt dantesques de pierres acérées. Nous survolons ensuite les gorges profondes de la rivière Manambolo avant de revenir sur Morondava. 4 h 30 de vol, 4 h 30 de ravissement pour les yeux. L'après-midi, je repars pour les Tsingy avec Jean-Pierre, pilote professionnel belge (13000 heures de vol sur une vingtaine d'appareils, de petits mono-moteurs au boeings, de missions humanitaires dans les pays en guerre en Afrique, à pilote de ligne dans les pays occidentaux). Il vient prendre sa pré-retraite en important ici un petit avion cinq places. Nous posons à Bekopaka, la piste proche des Tsingy. Elle ne fait que 500 mètres de long, est posée au sommet d'un court plateau (approche comme sur un porte-avion), et est en pente. Jean-Pierre l'inspecte pour savoir s'il pourra y venir avec son avion. Des termitières poussent de tous les côtés et sont à détruire presque quotidiennement. Au retour, il se déclare satisfait de mon pilotage qu'il trouve sûr, et me donne quelques conseils. Cela me fait très plaisir de la part d'un pilote qui a une telle expérience. Après une nouvelle journée de vol au dessus de Belo-sur-Mer avec atterrissage sur la plage, séance photo et bien sûr baignade, il est temps de penser au retour car mes vacances s'achèvent. Nous partons pour Tananarive survolant à nouveau les Tsingy et les gorges de la Manambolo où je joue au planeur. Avec la fatigue, le ronron du moteur m'endort. Mais je suis détendu car Gilles contrôle désormais bien l'ULM en vol. Nous faisons une pose sur la piste de brousse d'Ankavandra où de nombreuses femmes aux cheveux tressés viennent nous voir avec tous leurs enfants. Nous attaquons enfin les hauts plateaux, longeons une rivière où Gilles fait du repérage pour une prochaine sortie raft. Le lac Itasy surgit, magique, entouré de ses dômes volcaniques, bordé de la charmante petite ville d'Ampefy. Le soleil couchant joue à cache-cache avec les nuages créant au sol de multiples tâches de lumière et d'ombre. Nous atterrissons sur l'aéroport international sous la pluie qui tombe en bout de piste avec le soleil couchant dans les yeux. Les lourds nuages d'orage qui approchent créent un vent par rafales à l'atterrissage. Le halo orangé de pluie qui nous entoure est tellement surnaturel que nous sommes comme hypnotisés. Aucune angoisse, c'est tellement féerique. Je descends très lentement, passe sans le voir un avion qui vient de s'écraser peu de temps avant notre arrivée, 300 mètres après le début de la piste. Je poursuis lentement, aveuglé par la boule orangée exactement dans l'axe de la piste et pose proprement après 4 h 36 de vol. Le lendemain, je regagne Antsirabe. M'attendent quelques heures d'entretien, avant les deux prochaines virées prévues dans trois mois, et... le grand raid ULM en préparation pour 2001 : Madagascar - Afrique -Ile-de-France, ma région natale qui me soutient dans mes pérégrinations. Début |